Nathan Thymas {Fini}

Malgré son air de prince charmant, Nathan a un mauvais caractère. Il le sait bien. Tout comme il sait que sa vie n'a rien d'un conte de fée. A la fin de l'histoire, il n'y aura surement pas une flopée de marmots et une princesse heureuse, seulement des efforts vains, du temps perdu, et peu de satisfaction à la clé.

Sa famille est riche, et tient tout particulièrement à le rester et à se faire une place parmi les hautes sphères sociales. Leur statut confortable leur vient avant tout de son grand père. Un vieil acariâtre, au coeur de pierre qui n'a jamais eu un mot aimable pour quiconque mais dont l'intelligence acérée et le don pour les intrigues et les affaires juteuses a fait la richesse de sa famille. Il faut dire qu'il a réussi à faire passer leur groupe de bourgeois snobs aux revenus aisés à celui de richards ne sachant plus que faire de leur argent. C'est tout particulièrement grâce au commerce des hybrides que leur fortune s'est faite. Et sa famille continue de surveiller de près toutes les innovations concernant le marché afin d'encore accroître sa fortune.

C'est dans ce cadre que Nathan est né. Son père, en digne héritier de son propre paternel se révélait déjà à l'époque être un redoutable chef d'entreprise. Peu lui importait les conditions des hybrides, les sentiments en gros c'était pour les faibles. Un vrai petit capitaliste ! Tout ce qui lui importait était le profit ! Evidemment, son mariage n'était qu'un moyen de gonfler leur fortune et de se faire accepter plus rapidement parmi leurs richissimes nouveaux amis et voisins. Et tandis que sa mère profitait d'une vie faite de shopping et de sorties onéreuses, son père lui signait des contrats et s'occupait de son entreprise. A côté de cela, leurs trois enfants -Nathan et ses deux aînés : une fille nommée Alice et son aîné John- n'étaient guère que des pions à jouer plus tard sur l'échiquier politique et économique.

N'allez pas penser devant ce tableau que son enfance fut malheureuse ! Loin de là ! Etre le cadet de la fratrie l'a en bonne partie préservé. Et puis il avait tout ce dont il pouvait rêver. Il n'avait qu'à demander et on le lui apportait. Ses relations étaient étroites avec ses deux aînés, qui le couvaient même un peu trop. Son frère semblait bien parti pour prendre le flambeau, absorbant comme une éponge ses cours d'économie et de business et se révélant déjà prometteur. Sa sœur pour sa part ne voulait rien d'autre que continuer à profiter de la cuiller en argent qu'elle avait dans la bouche depuis sa naissance. Et si pour cela elle devait se marier à un riche inconnu et lui pondre quelques gosses au passage afin de pouvoir profiter de sa fortune, ce n'était pas cher payé. Thomas pour sa part se sentait moins à sa place. Il était intelligent, assez pour se rendre compte très jeune que les hybrides qui l'entouraient étaient prêts à supporter ses moindres caprices. Il s'était d'ailleurs révélé leur plus grande terreur quand il n'avait pas dix ans. Il exigeait des choses impossibles, les terrifiai littéralement. A côté de lui, sa mère et ses crises d'hystérie à la moindre tâche ou son père qui n'hésitait pas à renvoyer un hybride dont la tête ne lui plaisait pas c'était un jeu d'enfant de les supporter. Il était inconscient des conséquences que pouvaient avoir ses dires et actes, seulement qu'il avait tout pouvoir sur ces domestiques si appréciables. Car quand il allait se plaindre, qui allait-on croire ? Le fils cadet et chéri de la famille, ou le pauvre serviteur qu'on peut revendre à loisir ? Il arrêta dès qu'il se rendit compte que ses actes causaient bien souvent le renvoi de ceux qu'il avait injustement accusés, mais le mal était fait. Cela lui avait appris tout de même quelque chose : il avait du pouvoir rien que par sa position sociale. Un autre leçon suivit bien vite : que les gens tournant autour de son père étaient pour la plupart des flatteurs qui disparaîtraient au moindre signe de faillite et qu'il ne devait avoir aucune confiance en eux. C'est peut-être de là qu'il tire son côté froid et distant. Si c'est pour se faire entourer de flagorneurs, il préfère encore être seul. Après tout pourquoi accorder sa confiance à autrui quand il est probable que tout ce qu'il cherche à faire est de profiter de votre situation et ne ressent en vérité aucun plaisir à votre compagnie ? Malgré tout, il était bien éduqué. On lui a vite appris à plaquer un sourire sur son visage et à être toujours impeccable, irréprochable en toute circonstances. En cela il a répondu aux attentes de ses parents. Il était en apparence le fils parfait. Faute déjà de savoir ce que lui-même voulait vraiment être, il se pliait aux exigences et rentrait dans le moule. Restait à lui trouver une place. Le problème c'était que même s'il était doué, rien ne l'intéressait vraiment. Il faisait ce qu'on lui demandait de faire mais ne mettait aucun enthousiasme dans son action. Son frère étant bien parti pour reprendre la gestion de l'entreprise, il aurait pu aisément se faire une place parmi celle-ci, ce n'était pas les postes importants qui manquaient mais cette hypothèse n'éveillait en lui aucun intérêt. Sa vie se déroulait dans une triste platitude. Chaque jour ressemblant au précédant sans rien pour égailler le gris du quotidien.

Ce n'est pas ses parents qui s'en seraient rendus compte, ils étaient bien trop distants pour cela. Mais ses liens avec sa fratrie étaient étroits. Et eux tenaient à ce que leur jeune frère trouve sa place, une place qu'eux-mêmes n'avaient jamais remise en question comme si elle leur était destinée depuis leur naissance. C'était presque le cas d'ailleurs... Estimant qu'un peu de distance lui ferait peut-être du bien, il alla en internat. Un de ces horribles internats anglais, avec uniforme, pour jeunes garçons de bonne famille, dont les bâtiments de pierre grise auraient déprimé le plus optimiste des vivants, aux professeurs bicentenaires aux traits tirés et à l'odeur de vieux parchemin qui n'avaient rien pour éveiller son intérêt. Ce qui avait bien semblé être une idée excellente se révéla pour peu n'avoir donné aucun résultat. Le peu se traduisant par un diplôme lui permettant d'aller à l'université. Oh ! C'était dans l'esprit de ses géniteurs un passage obligé pour lui, il allait faire des hautes études et décrocher un poste dans la magistrature, ou devenir un habile gestionnaire et aider l'entreprise familiale, quelque chose du genre. Mais c'était la première fois que Nathan éprouvait un intérêt dans ce qu'il faisait. L'université c'était à la fois choisir entre un tas de filières chacune pouvant lui apporter un joli bout de papier à encadrer et afficher fièrement dans son bureau, mais c'était aussi un vrai lieu où des gens de tous milieux se côtoient. Pour la première fois, il était vraiment libre de se faire des amis, pouvait côtoyer des jeunes dont les parents peinaient à payer leurs études et qui lui ouvraient de véritables nouvelles perspectives... Et parmi toute cette nouveauté, il y eut surtout quelqu'un.

Une fille.

Un visage d'ange, de longues boucles blondes, un corps voluptueux et un rire cristallin. Une l'intelligence redoutable... De quoi le combler. Ses deux premières années à l'université furent un véritable régal. Il se passionnait soudainement pour ses cours, se sociabilisait, ressemblait enfin à une jeune de son âge. Mais les meilleures choses ont une fin.  Dont leur couple qui l'enchantait tant. La raison était bête, rien à voir avec ses parents qui se seraient opposé à leur relation ou à leurs milieux respectifs différents. Son attitude n'était pas en cause, il pensait n'avoir commis aucune erreur. Il l'adorait, la vénérait même. Elle aurait pu lui demander n'importe quoi, il se serait exécuté le sourire aux lèvres. Pour elle il aurait été prêt à décrocher la lune. Il lui aurait offert monts et merveilles pour peu qu'elle l'ait souhaité. Mais elle n'était pas ainsi, c'était un électron libre, un trésor qui n'était pas fait pour être découvert. Elle ne lui appartenait pas, et lui s'était accroché à elle avec l'énergie du désespoir, il l'avait étouffée sous ses constantes demandes d'attention. L'avait exaspérée par ses multiples cadeaux... Elle ne voulait pas de sa richesse, elle voulait juste être près de lui parce qu'il l'intéressait et la faisait rire. Mais plus le temps passait, plus il la restreignait petit à petit. Et avant d'être piégée, elle s'était enfuie.

La tristesse peut vous pousser à faire des choses stupides. Lui en tout cas il en a fait beaucoup. Et en un court laps de temps en plus. Alors que sa sœur allait se marier peu après, il était arrivé à gâcher son bonheur en ne lésinant pas sur les mots venimeux concernant tout ce qu'il pensait tout bas de leur famille mais n'avait jamais osé dire tout haut. Il enchaîna en criant bien fort le peu d'intérêt qu'il avait pour tout ce que son père et son frère faisaient, ne se gêna pas pour leur dire leur quatre vérités, de ces vérités qui devraient plutôt être tues car elles gâchent ensuite la relation à jamais.

Inutile de préciser qu'après son coup d'éclat, sa relation tant avec ses parents que sa fratrie s'était nettement dégradée. Pour ne pas écorner la belle image qu'on se faisait d'eux, tout le linge sale avait été lavé en famille, en privé. On l'expédia bien vite à Londres, avec assez d'argent pour ne pas savoir qu'en faire. L'accord était simple : il ne faisait plus de remous et se faisait oublier à la capitale, en échange il aurait droit à son morceau du gâteau. Ce serait là la seule relation qu'il aurait avec sa famille : un peu d'argent contre leur tranquillité, ce n'était pas cher payer selon eux...

Sa première envie fut de tout envoyer balader. Mais avoir tempêté et s'être brouillé contre sa famille entière avait déjà suffi à le calmer. Et derrière la tristesse qui s'en allait, mêlée à une forme de rancœur et de fierté mal placée, il sentit qu'il commençait à bâtir un mur entre ses émotions et le monde extérieur. Qu'on vienne s'enquérir de sa famille ou de sa vie privée, et on se heurterait à une paroi glaciale sans ouverture. Il avait pris sa décision, il continuerait à vivre un quotidien gris, sans excitation ou enthousiasme de quelque sorte que ce soit.  Il était pour ainsi dire exilé à Londres, soit. Il ferait avec. Il survivrait plus qu'il ne vivrait, puisqu'il n'avait aucun but.

Ses premiers jours à la capitale ne furent guère réjouissants. Il continuait encore de broyer du noir et se montrait d'une humeur exécrable. Ce qui ne l'empêcha pas de procéder méthodiquement en se trouvant avec une célérité remarquable -et aussi en dépensant un prix non négligeable pour tout régler rapidement et sans histoires- un logement : un bel appartement à l'écart du centre ville et en s'inscrivant malgré tout pour sa troisième année d'étude universitaire. Autant la terminer, même si c'était à Londres et sans plus aucun intérêt pour ce qu'il étudiait...

N'ayant guère envie de manger des plats à emporter indéfiniment ou même de s'occuper de son appartement, il se dit qu'il devrait aussi aller à l'animalerie pour acheter un  hybride... Ce serait bien la première fois qu'il en achèterait un lui-même. Cela pourrait être une expérience intéressante.

C'était d'ailleurs bien la première idée qui éveillait un soupçon d'enthousiasme en lui depuis sa rupture... Un hybride hein ? Sentant un sourire fleurir sur ses lèvres, Nathan se coucha ce soir là en attendant le lendemain matin. Et tâchant d'imaginer à quoi ressemblerait son prochain achat... Son futur hybride.